L'auteur est décédée ( le 23 juillet 2010 ) , elle écrivait :

     
        QUI SUIS – JE ?

     

    " ..... Une célibataire qui vit dans les Alpes. Je suis retraitée et dans mes moments de poésie je peins des montagnes et des lavandes. Des icônes aussi, vous comprendrez bientôt pourquoi.
    Ma carrière professionnelle fut celle d'un professeur, puis d'une éducatrice spécialisée et d'une psychologue à l' Education nationale, dans les instituts médico-pédagogiques pour enfants inadaptés et dans les centres d'orientation. Je terminai ma carrière sociale comme enquêtrice aux Affaires Matrimoniales et contrôleur judiciaire .

    Parallèlement je me préoccupai d'un sujet qui concerne l' Eglise. Dans mes relations avec les religieuses qui éduquaient les enfants, je m'aperçus qu'il serait souhaitable qu'elles soient plus en symbiose avec le monde actuel. De plus leur nombre diminue constamment.

    Très jeune , j'avais reçu une inspiration : créer un nouvel  ordre religieux, l'ordre de la Charité. Quelle forme prendrait-il ? Je priais beaucoup durant toutes ces années

    Portée par la révolution de mai 68 j'entrai à la Faculté de théologie de Strasbourg où je soutins une thèse sur la vie des ordres religieux féminins en France. Je comparai deux modèles, éthique et sociologique : celui de la femme moderne et celui de la religieuse. Je notai que si des modifications dans le genre de vie des religieuses étaient souhaitables, on ne devait pas, pour autant , faire de la religieuse une réplique de la femme actuelle. Cette thèse fut publiée aux Editions du Centurion en 1976, sous ce titre , "Les religieuses sont-elles des femmes ?" (Actuellement épuisé.) Il reçut l'approbation du cardinal Mayer, président à cette époque de la Congrégation romaine des Instituts religieux. Il m'écrivit "qu'il contenait nombre de remarques judicieuses, permettant aux ordres religieux de se réformer. Il fut utilisé au cours des chapitres d' aggiornamento " demandés par Jean XXIII.( Aggiornamento signifie remise à jour.)

    Mais je me demandais que faire sur le terrain. Je cherchais une autre voie. Je crus trouver une réponse en Italie auprès du Frère Carlo Carretto, petit frère de l'Evangile. Grand ami du pape Paul VI, il avait été plus de vingt ans responsable de l'Action Catholique des jeunes. Ordonné diacre et revenu en Ombrie après de nombreux séjours au Sahara, il fut l'animateur prestigieux d'un mouvement spirituel auquel je participai. Il avait transformé en ermitages les petits cabanons laissés à l'abandon par les paysans Il les mettait à la disposition des retraitants , plusieurs milliers par an. On étudiait la Bible, on participait aux travaux des champs, on adorait le saint Sacrement exposé. Les séjours duraient quelques semaines. C'était une vie d'ermite.

    Je fus si enthousiasmée que je désirai m'installer définitivement là. L'administrateur des biens du diocèse de Foligno mit à ma disposition un presbytère abandonné en pleine montagne. J'étais entourée de soixante dix familles paysannes. Très vite, je fus sollicitée pour "animer" cette paroisse. Le prêtre desservant ne venait qu'en coup de vent le dimanche. Il ne pouvait faire le catéchisme , visiter les personnes âgées, entretenir les locaux paroissiaux.



    Photos de la paroisse de Collelungo.

    Pendant plus d'un an, les choses allèrent si bien que l'évêque se déplaça pour me remettre solennellement  "le ministère extraordinaire de l'Eucharistie." Devant la paroisse, selon un rituel solennel, il me donna  le droit d'ouvrir le tabernacle, de me communier moi-même et de communier les fidèles en l'absence du prêtre. Ce ministère avait été "institué" par Paul VI pour pallier l'absence des "ministres ordinaires", prêtres et diacres dans de nombreuses paroisses.( cf. Le texte romain Immensae  caritatis de 1973.)  Certains canonistes comme le père Passicos,( doyen de la Faculté de Droit canonique de Paris) saluèrent ici "la création d'un véritable service officiel pour les laïques." La personne qui en était investie était ministre à vie.

    Revirement de la politique vaticane ? Imprécision des textes ? L'évêque me demanda de quitter le village malgré l'opposition très violente des paroissiens et la publicité accordée à cette investiture dans la presse diocésaine qui titrait : "A une femme, la responsabilité d'une communauté chrétienne". Le prélat m'avait précisé par ailleurs qu'il était satisfait de mes services.

    De fait, la femme n'avait accès à aucun type de "ministère" officiel. Le congrès international de Paris en 1974  sur le diaconat féminin, où je rencontrai pour la première fois le père Congar, me révéla toute l'ampleur de la question. Il y avait  à trouver une solution pour permettre à la femme d'exercer de façon définitive un ministère dans l'Eglise. On l'autorisait à rendre service mais de façon  temporaire et non sacramentelle.  Il fallait innover. Ma vocation était là. Dans mes recherches je découvris alors les anciennes diaconesses de l'Eglise d'Orient. Pourquoi ne pas les restaurer ?

    Trois mois avant sa mort, j'allai voir Marthe Robin et lui parlai de mon projet : "Des diaconesses ? Oui naturellement, puisqu'il n'y a plus de prêtres." Réponse totalement péremptoire chez cette mystique dont le charisme prophétique est bien connu: elle me lança dans la rédaction d'un livre.

    Il parut en 1987 chez Beauchesne, "Des femmes diacres, un nouveau chemin pour l'Eglise".Le père Congar avait délivré le "nihil obstat" . Il avait supervisé jusqu'au moindre détail le manuscrit. Il était passionné par le sujet, l'ayant plusieurs fois abordé dans ses écrits. Sa théologie personnelle le conduisait sans cesse à rechercher des pistes pour l'Eglise actuelle dans ses fondements les plus anciens. Il croyait à une restauration de cet ordre ancien.

    Dans la revue des sciences philosophiques et théologiques, il conclut la recension de mon ouvrage  par cette phrase: "Un beau livre, aussi raisonnable et sérieux que neuf et tourné vers l'avenir."


    Sur la couverture on aperçoit, à gauche sainte Olympias, la diaconesse orientale la plus célèbre. A droite, une martyre, sainte Eupraxie. On remarque qu'elles portent une étole (Cet ouvrage ne se trouve plus en librairie. Sa vente peut se faire par mon Email.)

    Ce livre que j'envoyai aux principales conférences épiscopales du monde entier fit grand bruit au synode de 1987 où l'on traita du rôle des laïcs dans l'Eglise actuelle. "Jamais , on a autant parlé du diaconat féminin: c'est devenu irréversible pour l'Eglise" m'affirma le cardinal Etchegaray qui m'approuvait chaudement. "On ne parle que de votre livre à Rome" me téléphona Henri Tincq le chroniqueur religieux du "Monde". De nombreux prélats m'avaient assuré de l'intérêt qu'il portait à mes recherches. ( Ce livre a été encore cité en référence en 1995 dans le rapport de la société de droit canon d'Amérique . )

    Mais le synode ne décida rien. Il éluda la question et ce fut une grande épreuve pour moi. Le cardinal Hamer, alors président de la congrégation pour les ordres religieux me conseilla de créer un institut séculier qui "recevrait une mission officielle de l'Eglise." Il avait compris la nécessité d'officialiser le service de la femme mais sa proposition d'institut séculier ne me convint pas. En effet les instituts séculiers doivent travailler aussi discrètement que le levain dans la pâte. Or une diaconesse , en particulier dans ses tâches liturgiques,devrait apparaître publiquement à la communauté chrétienne comme symbole de la vocation de la femme dans l'Eglise, à côté de l'homme..

    A cette époque ma mère était complètement paralysée . Nous vivions ensemble et je la soignais à domicile, n'ayant pas trouvé d'établissement adapté. Cela dura quinze ans et compromit  ce projet de fondation.

    Néanmoins j'exerçais différentes activités sociales, tribunaux et soupe populaire. Mais je ne voyais toujours pas la réalisation de mon projet fondamental.

    Aussi je finis par proposer mes services à un évêque d'un diocèse pauvre du sud de la France: mon expérience italienne m'avait fait prendre conscience de la détresse des paroisses rurales et je me sentais toujours appelée à une vie contemplative en milieu rural.

    Je fus engagée comme adjointe du prêtre chargé de la catéchèse sur le diocèse. Mon activité y fut très intense: groupe de catéchisme  dans mon quartier, formation des catéchistes à des pédagogies nouvelles,  création et direction d'un journal diocésain pour elles e.t.c…,

    Je signai  un contrat de travail à durée déterminée et l'évêque me remit une lettre de mission sans préciser de durée: je souffris de cette indétermination car j'avais amené avec moi ma mère malade et je concevais mal d'avoir à refaire un déménagement.  Et financièrement quelle serait ma situation en cas de rupture.? Néanmoins le contrat devint indéterminé et je me sentis un certain temps incarnée dans une vocation que je poursuivais depuis longtemps, au service de l'Eglise et liée spirituellement à un évêque.

    Mais des difficultés surgirent quant au contenu du contrat de travail et je préférai partir à la retraite. La lettre de mission étant liée au contrat de travail, devint-elle caduque? Il n'en fut plus question et cela me bouleversa car j'avais cru en m'engageant que l'Eglise s'engageait aussi. De nouveau je n'avais plus d'identité spirituelle. Je compris trop tard que la lettre de mission ne conférait pas un état de vie.

    Dans les mois qui suivirent j'eus le plaisir de participer à une émission sur France-Culture avec monsieur Olivier Clément, théologien orthodoxe bien connu: il me dit "qu'il avait beaucoup aimé mon livre" . Il me confirma dans la constatation que j'avais faite au cours de mes recherches historiques: les Eglises orthodoxes souhaitaient la restauration des diaconesses anciennes.. Je fus invitée aussi comme spécialiste à un congrès sur le diaconat à Louvain. Le sujet continuait à intéresser mais les solutions concrètes ne se mettaient pas en marche.

    Je ne fis plus de catéchèse mais je m'investis dans l'animation d'un foyer de sans abri et dans un groupe local d'Amnesty international. La peinture m'offrit les joies de la louange au Créateur et la réalisation d'icônes renforça mon attachement au passé oriental de l'Eglise ....... "

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