La patrie, c'est toutes les
promenades qu'on peut faire à pied autour de son village", disait
Jules Renard . La citation pourrait s'appliquer à Tanaron qui s'accroche
admirablement à la montagne en dominant la vallée du Bès.
Nous sommes à une quinzaine de kilomètres de Digne. Au bout d'une longue
piste cahoteuse, on se retrouve à 1050 mètres d'altitude, entouté de montagnes
et de forêts . Les quelques maisons
encore debout sont dominées par le Rocher de Gassendi, là-même où le célèbre
savant fit ses observations de la lune à l'aide d'une lunette astronomique
montée à dos de mulet . C'était au XVIIe siècle et c'est comme si rien n'avait
changé ou presque. Ici, l'électricité n'est arrivée qu'en l'an 2000 et l'on
attend encore l'eau courante. Sauf que, entre temps, le village fut abandonné.
Beaucoup de maisons, le château de l'évêque et l'église se sont peu à peu
effondrés . Déserté et pillé de
1948 à 1966, le village de Tanaron a connu une première renaissance lorsqu'une
bande de jeunes aixois, précurseurs du mouvement néo-rural, créa l'association
Tanaron pour réimplanter la vie en ces terres perdues et entreprendre les
premières restaurations . Après bien des péripéties, l'association, qui avait
dû "passer la main" vient de renaître, bien décidée à tenir la
promesse faite au dernier maire de Tanaron (réuni en 1973 à La
Robine-sur-Galabre) de rebâtir le village sur son plan d'origine. Et c'est un
projet d'envergure, unique dans la région, qu'elle entend lancer pour redonner
au village son lustre d'antan. Il devrait faire passer le nombre d'habitants de
8 aujourd'hui à 80 .Cet été, deux
jeunes élèves en 5e année d'architecture, Joachim Melman et Isabelle
Zillig-Florin, ont planché sur le projet sous la houlette de l'architecte DPLG
Philippe Dunoyer de Segonzac. C'est "un rêve pour demain"
qu'ils ont bâti autour des réflexions menées par les habitants du hameau.
"C'est un projet citoyen que nous voulons bâtir!" lance,
enthousiaste, Marie Dufeutrel, présidente de l'association de Tanaron. Un
projet qui s'intégrera au site et fera appel à toutes les techniques permettant
de préserver l'environnement . Un seul exemple : les jeunes architectes ont
prévu un habile système de récupération des eaux dites "grises" qui
passeront d'abord dans une fosse septique avant de rejoindre un bassin de
phyto-épuration par lagunage, puis d'être réunitilées pour l'arrosage et les
toilettes. "C'est aussi un projet solidaire où chacun aura sa place,
jeunes ou vieux, insiste Marie Dufeutrel. Nous avons même prévu une
chambre médicalisée qui pourra servir soit pour une personne âgée soit pour une
convalescence". Il y aura aussi une école et une salle de spectacle
qui prendra place dans l'ancienne église en partie reconstruite . Car
l 'association Tanaron voudrait faîre
naître ici un village de créateurs et d'artistes dont plusieurs ont déjà élu
domicile en ces hautes terres.
Prenant au mot la phrase de Kahlil Gibran:
"L'art est un pas de la nature vers l'infini".
Par André-Denis Mousset .
Publié ( sur la Provence ) le vendredi 3 octobre 2008